S’assumer rend fort
Il faut constater ce qu’on a fait pour pouvoir en tirer les leçons, c’est-à-dire devenir capable de le rectifier, si c’est possible. Sans constat, il n’y a pas de rectification possible.
Car on ne peut se défaire d’un mal quel qu’il soit qu’en le reconnaissant d’abord comme un mal. Or nous trichons souvent avec nous-même en niant ce qui s’est passé sous le mauvais prétexte que nous ne le voulons pas, et créons ainsi en nous-même une division intérieure.
Ne pas vouloir identifier le mal comme un mal, sous prétexte de ne pas vouloir courir le risque de culpabiliser, est un mauvais calcul. Le calcul d’un être qui ne voulant pas céder à son éventuelle culpabilité, s’empêche de prendre la responsabilité des actes qu’il a commis comme de ce qui lui est arrivé.
Le chemin de la libération de toute situation émotionnelle cause de souffrance passe par la reconnaissance de ce qui s’est passé tel que ça s’est passé.
Les personnes qui confondent la demande de responsabilité avec une accusation de culpabilité sont dans la confusion : nous ne pouvons pas être coupables des manières qui ont été les nôtres d’agir dans le passé puisque, au moment où nous avons agi, nous avons pensé qu’il était bien et bon pour nous d’agir comme nous avons agi.
Maintenant que nous avons vu que notre action n’était pas juste, nous n’avons pas d’autre choix que de commencer par reconnaître notre part de responsabilité dans cette situation. Est responsable celui qui, étymologiquement, détient la réponse. On ne peut pas en sortir : nous sommes responsables de ce qui nous arrive du simple fait que c’est à nous que cela est arrivé. « Oui mais je ne l’ai pas voulu ! » Qu’importe, vous ne pouvez pas nier qu’il va vous falloir faire avec. Être responsable ne signifie pas que c’est de votre faute, mais que cela vous incombe, que c’est votre lot. « Oui mais je n’en veux pas ! » Peut-être n’en voulez-vous pas mais ce qui vous arrive vous arrive et vous n’avez pas d’autre choix que celui de devoir traverser cette crise les yeux ouverts.
Ce qui nous arrive est toujours implacable, si vous refusez ce qui ne peut plus être évité (puisque cela s’est passé), vous allez considérablement amplifier votre souffrance.
La responsabilité reconnue, la paix devient possible. Tant que nous sommes dans le déni de notre part de responsabilité, nous nous condamnons à rester divisés par le refus et le sentiment d’injustice donc nous souffrons.
Mais nous préférons le plus souvent nous plaindre de ce qui s’est passé, accuser au besoin les autres ou l’injustice du sort. Or notre identification à la mentalité de victime ne nous permet pas de nous libérer de la maltraitance que nous nous imposons à travers notre refus de la souffrance et notre regret.
La culpabilité n’est qu’une émotion de l’ego qui refuse ce qui a été fait ou dit, à un certain moment, parce que ça ne lui convient pas (à un autre moment).
Pour se libérer de la souffrance imposée par la culpabilité, il faut commencer par reconnaître sa part de responsabilité dans la situation dans laquelle on est. Par exemple dans un contexte de domination, même si je n’ai rien demandé à personne, c’était bien moi qui étais là dans cette situation et c’est le simple fait que j’aie été là qui a suffi pour que je sois dans le collimateur de celui qui m’a dominé. Cela revient à ne pas discuter plutôt qu’à chercher à marchander.
Il faut aussi par exemple devenir capable de trouver en soi-même la force de convenir que tel qu’on était à ce moment-là, on s’est comporté de manière non adéquate, quand c’est le cas.
Reconnaître avoir été là (au mauvais moment comme on dit) permet à un être de s’assumer. De même qu’un être qui reconnaît qu’il s’est comporté de façon non adéquate (ne serait-ce que parce que sur le moment il n’a pas perçu la gravité de la situation), s’assume avec lucidité. Reconnaître c’est parvenir à se réconcilier avec soi-même, au lieu de se révolter contre ce qui nous est arrivé sous le mauvais prétexte que ça n’aurait pas dû nous arriver, ce qui amplifie nécessairement la souffrance en y ajoutant l’injustice.
Cette capacité-là est primordiale pour ne pas devoir rester indéfiniment prisonnier du mental, du passé et de la culpabilité.
S’assumer c’est se prendre en charge, c’est consentir lucidement à ce qu’on a été ou à ce qui s’est passé. S’assumer rend assurément fort. C’est en commençant par assumer ses actes, donc en comptant sur lui-même sans ressentir le besoin de s’effacer, qu’un être pourra trouver l’énergie pour se défendre à l’avenir d’une situation ou d’une personne qui cherche à le dominer.
Cette propension à compter sur soi-même pour se défendre est à l’opposé de la culpabilité qui fait qu’un être qui se juge lui-même en s’en voulant ne peut qu’être insatisfait de lui-même, et dans l’impossibilité de pouvoir se défendre à l’avenir par manque d’estime de lui-même.
Être honnête avec les faits, c’est ne pas avoir peur de les reconnaître tels qu’ils se sont déroulés et c’est la condition sine qua non de la santé personnelle d’une personne qui, parce qu’elle est sortie de la confusion, parce qu’elle a retrouvé sa dignité, pourra exprimer sa légitimité à être qui elle est.
© 2025 Renaud Perronnet. Tous droits réservés
Illustration :
Hear No Evil, See No Evil, Speak No Evil, par Scott Gustafson
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- Que veut dire « Vous l’avez attiré » ?
- Le travail d’acceptation
- Esquiver ou digérer ?
- Culpabilité et amour de soi
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