« Que le cœur de l’homme est creux et plein d’ordure ! »
Blaise Pascal, Pensées.
Aspirer à devenir capable de voir les choses telles qu’elles sont, c’est commencer par convenir que nous sommes sans cesse soumis à des mécanismes inconscients qui nous obligent à une satisfaction de soi illusoire. Cela fait que nous dissimulons et mentons, c’est-à-dire que nous interprétons systématiquement ce que nous vivons de manière conforme à notre avantage et comme si les autres n’existaient pas.
Cela induit que nous utilisons en permanence toutes sortes de stratégies pour nous tromper nous-même et tromper les autres.
Travailler sur soi-même c’est donc parvenir, à force d’attention et de lucidité, à être sans concession sur soi-même, en étant d’accord pour s’atteler à déjouer nos si nombreux vécus hypocrites.
Qu’est-ce que l’hypocrisie ? Le dictionnaire nous dit que c’est le « caractère d’une personne qui dissimule sa véritable personnalité et affecte, le plus souvent par intérêt, des opinions, des sentiments ou des qualités qu’elle ne possède pas. »
Quelques synonymes d’hypocrite dont certains nous parleront peut-être davantage :
Tartufe / Sournois / Fourbe / Faux / Trompeur / Perfide / Doucereux / Mielleux / Imposteur / Faux jeton / Déloyal / Menteur / Flatteur / Affecté / Comédien / Simulateur / Déguisé / Tordu / Cabotin / Dissimulateur.
Mais je laisse la parole au poète :
La sottise, l’erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l’oreiller du mal c’est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d’une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d’helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie,
N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;
C’est l’Ennui ! – l’œil chargé d’un pleur involontaire,
Il rêve d’échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857.
C’est au moment où nous aurons osé démasquer nos fausses identités, que nous nous retrouverons face à nous-mêmes dans notre vérité, prêts à accepter qui nous sommes, sans peur, et sans crainte du regard des autres.
© 2025 Renaud Perronnet. Tous droits réservés
Illustration :
Hypocrite, collage de Larry Vigon.
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